
Récemment, une personne me parlait d’héritage de ses biens, pour ses enfants. Une autre personne me parlait de sa maison en héritage pour ses enfants. C’était donc dans l’air.
Et je me rendais compte que je ne comprenais pas la notion d’héritage.
Je comprends la notion d’héritage dans le moment présent, c’est-à-dire offrir le meilleur pour tous les êtres, et que cela bénéficie dans cette dimension et dans d’autres dimensions.
Je regardais intérieurement et je me rends compte que ma principale référence sur ce sujet est une parole prononcée un jour de printemps par John Fire Lama Deer, fils d’Archie Fire Lame Deer. Il racontait que pour le décès de son père, il avait fait selon les coutumes de son peuple. Il avait récupéré quelques objets sacrés, pour qu’ils continuent leur travail. Juste quelques objets.
Puis le reste était rassemblé et tout le clan fut invité. Ce type de rassemblement se fait lors de déménagements ou lors d’un décès. « Aidez-moi à m’alléger. Aidez-moi à partir en étant serein. Merci de prendre ce dont vous avez besoin, ou ce qui vous plait. Je serai vraiment heureux quand tout ce qui est proposé là sera reparti avec vous. »
Alors les uns et les autres prennent des objets, des véhicules, et même les clés de la maison. Chacun se sert en pensant à la joie que doit éprouver l’âme de celui qui donne tout cela. Au final, les enfants, la famille proche du défunt, ne garde que très peu de choses.
Qu’est-ce que nous offrons en héritage à nos enfants ? Et surtout qui laisse un héritage ? Ce que nous sommes est un corps de lumière. Que peut laisser en héritage un corps de lumière ?
Que signifie un héritage quand la mort n’existe que dans un concept matérialiste ?
Mon père, à son décès, n’a laissé que très peu de choses. Et encore, quand il m’a été demandé si j’acceptais l’héritage, que ce soit des dettes ou des biens, j’ai hésité. Finalement, il y avait un peu d’argent. Deux mille euros.
Dans un premier temps, je me suis pensé « c’est bien peu ». Je pensais en comparaison à d’autres héritages dont j’ai entendu parler autour de moi.
Je crois finalement que l’héritage principal de mon père, comme celui de mon oncle tant aimé, mes grands-parents, ou d’autres personnes défuntes dans mon entourage, c’est de savoir que je peux encore communiquer avec eux. Du moins certains.
Qu’est-ce que nous laissons en héritage ? Quelle relation à la Terre ? Quelle relation aux esprits de la Nature ? Quelle relation aux anges ? Où sont-ils dans notre vie quotidienne ? Dans quelle mesure sommes-nous accrochés à nos biens, à la notion d’appropriation, de lignage, que nous en devenons parfois si perturbés.
Je me souviens avoir fait un « give away », avoir partagé ce à quoi je tenais le plus avant un déménagement. J’ai fait comme ce que j’avais entendu de John Fire Lame Deer et que j’avais expérimenté en tant qu’homme du feu lors d’une quête de vision. Un « give away ». « Cela va partir. C’est donné ».
Gilles, mon père spirituel a hérité de la maison de ses parents. Il l’a vendue. Il me racontait « j’ai eu de la chance. Car à ce moment-là, une personne que je connaissais avait besoin de soins mais n’avait pas la capacité financière de payer ces soins. Je l’ai aidée. Cela a couté au final, sur deux ans, la totalité du prix de la maison. »
Où est notre corps de lumière lors de cet héritage. Comment est-il considéré ? Tant par celui qui donne, que par celui qui reçoit. Où est passé la spiritualité ?
L’héritage du Christ est dans ses enseignements, principalement cette grande manifestation qui est née dans l’épreuve : Pâques. Il meurt devant les yeux de la foule, puis ressuscite. Mais il n’a pas fait que cela. Il a encore enseigné : « ce que vous êtes est cela. Un corps de lumière. Immortel. Rappelez-vous cela. Dites-le à vos proches, à votre famille, à vos enfants, à vos voisins… »
Un corps de lumière, par définition, ne peut pas posséder. Il utilise à travers le corps physique, il perçoit aussi à travers le corps physique, ce véhicule dans son voyage de quelques décennies dans le monde de la densité. Mais ce corps de lumière ne possède pas. Il n’accumule pas. Il n’emporte rien. Du moins rien de dense.
Je ne suis pas sûr qu’il existe une voie du milieu. « je suis » ne peut être partagé. On ne peut émaner en même temps deux énergies, « je suis ce personnage qui est né un jour et qui va mourir un jour » ou « je suis ce corps de lumière dont le véhicule physique va cesser de fonctionner un jour et revenir à la Terre ».
Notre héritage est ce que nous déployons. D’instant en instant.
Cela ne veut pas dire ne rien posséder. C’est juste de ne pas se laisser réduire par ce qui nous est confié momentanément.
Ne pas se laisser posséder par les objets en quelque sorte.
Je ne comprends pas la notion d’héritage. Tout comme je ne comprends pas la notion de maisons secondaires fermées devant lesquelles des personnes sans abri dorment dans la rue.
Si quand nous possédons nous en oublions d’être généreux.
Si quand nous possédons, nous en oublions la gratitude envers l’invisible.
Si quand nous possédons nous en oublions d’être heureux.
À quoi cela sert-il de recevoir encore plus ?
Nous attendons des générations qui nous précèdent une sorte de dû. Un cadeau de départ.
« Surtout, ne dépense pas ton argent s’il te plait. Gardes-en le plus possible, comme ça quand tu meurs, je pourrais en bénéficier ».
Est-ce que nous regardons vers la Terre ou vers le Ciel ?
Combien d’entre nous prient encore pour celles et ceux qui leur ont laissé un héritage ?
Car un héritage c’est peut-être cela. « Je sais que je vais accomplir une sacrée traversée quand je vais décéder. J’ai un rendez-vous avec l’invisible. Et j’aurais besoin de soutien. Je te donne tout ce que j’ai. À toi qui es si proche de moi. Je te donne tout ce que je peux pour que tu puisses avoir de la disponibilité. Tu auras de quoi prendre du temps de vacances, et prier pour accompagner mon voyage.
Et dans ce lien que nous créerons après mon décès, mon corps de lumière pourra entrer en contact avec ton corps de lumière. Je pourrai te donner des indications depuis cet espace que j’ai si peu exploré durant ces dernières décennies. Je me suis focalisé sur ce qui est éphémère, j’ai si peu regardé dans la direction de l’Éternel.
Je te donne de quoi être soulagé un moment sur le plan matériel. Ce que je te donne, fais-en bon usage. C’est pour un monde meilleur, ne l’oublies pas. Surtout, ne suis pas mon exemple. »
C’est dommage que les veillées auprès de personnes mourantes soient si exclues de notre société. Nous entendrions ces personnes qui éprouvent tant de regrets dans ce sas entre deux mondes. En voyant que les membres de la famille sont là, que la mort est finalement un concept manipulé dans notre société, beaucoup se rendent compte être passé à côté de l’essentiel. Qu’avons-nous donné comme nourriture à ce corps de lumière ? Comment avons-nous pu passer à côté de cet essentiel. De cette douce lumière ? De cette lumière dans les arbres, dans les rivières, dans les fleurs, dans les regards d’un humain ou d’un écureuil ?
Quand nous étions écartés de tout danger, comment avons-nous pu nous laisser emporter par une espèce de délire collectif ?
Accompagnez des personnes en fin de vie.
J’ai fait cela pendant deux ans.
La majorité des personnes étaient affligées. Mais il y a eu quelques pépites. Des êtres qui m’ont dit « cette existence, si j’avais à la recommencer, je ne changerai rien. Ni les épreuves, ni les joies. J’ai tant de chance. Je me sens en gratitude. Maintenant, je sens que je peux partir. J’ai rencontré l’essentiel ».
Il y avait peu d’êtres qui ont tenu ce genre de propos. Des êtres qui rayonnaient la lumière de l’invisible. Leurs yeux étaient emplis de gratitude, de joie ou de paix au moment de ce grand passage.
C’est auprès d’eux que j’ai passé du temps.
Ils m’ont enseigné.
Durant leurs derniers instants, puis durant leurs premiers pas dans le ciel.
Leur héritage, j’en avais l’impression à ce moment-là, était principalement ce que je pouvais en recueillir dans mon cœur. J’étais souvent seul. Car ce qui se vit dans ces moments de fin de vie, est facilité quand on n’a pas de regard déjà empli d’histoires au sujet de cette personne. Dans l’ouvert de l’instant, dans la fragilité des êtres qui partagent ces derniers souffles, il y a de précieux trésors.
Il y a aussi des moments de pardons, des moments de confidences qui allègent.
Ces moments sont des fenêtres, des sas entre deux niveaux de réalité.
C’est à ce moment-là que j’ai perçu une certaine notion d’un leg. « Ce que je vis maintenant avec toi, dans ce moment si intense, je te le lègue. Fais-en bon usage. »
Il est possible que la notion d’héritage ne me parle pas car un héritage à mon sens est vivant. Ce sont toutes ces perles de joie, de douceur, de bonté, que j’ai reçu.
« Lorsque je ne serai plus sollicité, je repartirai » me disait un jour mon père spirituel. C’est une chance d’avoir un père spirituel. Car son héritage est vivant. Il est vivant en chaque être qui accepte de le recevoir et d’en faire bon usage. Se laisser imprégner et laisser cette empreinte vibratoire suivre son chemin pour que nous nous révélions dans ce qui est de plus lumineux.
Je sens qu’après son décès (s’il décède avant moi), je solliciterai encore mon père spirituel. Et il le sait. Tout comme je sollicite même son propre père spirituel que je n’ai pas connu de son vivant. Alors ce sera dans un temps lointain qu’il repartira un peu plus haut dans le ciel.
Il se passe, dans ces lignées spirituelles, dans cette notion de famille spirituelle, quelque chose de particulier. Mes parents n’ont pas d’objet sacré à me transmettre. Nous n’avons pas d’équivalent à ce que des sociétés traditionnelles ont mis en place. Des sociétés calées sur le modèle de la tribu avec des relations spirituelles vivantes à tout ce qui vit, dans le visible comme dans l’invisible.
Je crois qu’avec mes enfants et plus largement avec tous ceux qui me cotoient, ce que je peux léguer de mieux actuellement est ce chemin spirituel quotidien. Entre méditations, offrandes, prières, aide à autrui, soins, écriture… Tout ce qui se déploie quand « cela » me traverse. Et aussi tout ce qui se transforme au fur et à mesure des métamorphoses et des libérations qui ponctuent tout chemin spirituel.
Il y a des héritages qui sont à la fois perceptibles dans le visible et l’invisible.
Je ne comprends pas ce qu’est un héritage, tout comme je ne comprends pas la notion de congés ou de vacances. Ce sont des notions que j’essaie de cerner, sans en comprendre le sens. Je perçois un déploiement. À chaque instant. Et il n’y a que cela. Un déploiement. Qui émane. Dans le visible et l’invisible. Cela, je ne le comprends pas, je le vis.
Et lorsque je ne le vis pas, je reviens à la méditation et aux prières.
Puis cela revient. Cette piste lumineuse. Cet héritage spirituel de tous ceux qui me précèdent sur ce chemin, qu’ils soient encore de ce monde ou déjà dans l’autre.
Un héritage est pour moi une piste à suivre, une vibration à incarner, un amour à déployer. C’est l’héritage du divin. Pour chaque être. À chaque instant.
"Il est bon de donner quand on le demande, mais il est encore mieux de donner par discernement, quand on ne le demande pas ; et pour la main ouverte, chercher celui qui recevra est une plus grande joie que de donner. Et que pourriez-vous refuser ? Tout ce que vous avez, sera donné un jour ;
Donnez donc maintenant, afin que le moment de donner soit le vôtre et non celui de vos héritiers. " Khalil Gibran, Le Prophète, traduction française 1993. Avec amour. C.