J’avais décidé de m’endurcir. Peut-être que le bonheur n’était pas possible. Peut-être que l’on pouvait trouver quelques joies à vivre une existence axée sur le travail et la vie de famille. Peut-être même que l’amour viendrait par surprise. Que mon cœur exploserait de lumières colorées comme celles qu’on voit à travers un kaléidoscope. Il me fallait essayer. Et surtout essayer de moins souffrir.
Je m’endurcissais mentalement et physiquement. Parallèlement, j’essayais plusieurs voies universitaires avant de trouver une issue convenable dans les études forestières. J’aimais les forêts, j’aimais tant passer du temps en forêt que travailler dans cet environnement me paraissait la meilleure option.
Je croyais ainsi m’élever dans l’amour, et finalement j’ai eu l’impression de rentrer brutalement dans des miroirs qui ont explosé ce que je pensais de la vie et ce que je pensais de moi-même. Ce que je pensais de tout ce qui vit.
J’ai eu la chance de vivre deux expériences majeures assez jeune. J’avais depuis peu le permis de conduire. J’étais allé à une soirée de jeux avec un ami dans la petite ville voisine. Le retour fut assez tardif, au milieu de la nuit, un soir de pluie, avec un ami comme passager. Enthousiasmé par la soirée et fatigué de ces heures de jeux, il me tardait de rentrer et je roulais un peu vite. Je connaissais bien la route et c’était la nuit, il n’y avait personne sur cette petite route. Au détour d’un virage, au milieu de la route, un lapin était figé, surpris par les phares de la voiture. J’ai essayé de l’éviter, et j’y suis arrivé. Malheureusement, je n’ai pas réussi à éviter le platane sur lequel la voiture est venue s’empaler.
Mon dernier souvenir était avant le choc. Comme si le choc n’avait pas été ressenti. Ni le son qui a dû être assourdissant.
J’étais parti dans un espace silencieux. Hors du temps.
Je ne voyais pas défiler les images de ma vie, comme on peut parfois le dire quand nous sommes aux portes de la mort. J’ai vu plutôt comme un ensemble de diapositives animées. Je voyais toute ma vie, ou du moins les éléments marquants, qui étaient vécus en même temps. Je voyais tout cela en même temps.
Je n’ai pas pu m’attarder là, car j’ai entendu au loin le cri de mon ami qui s’est fait de plus en plus présent, jusqu’à devenir hurlement. Il pensait que j’étais mort, et je pense que ce n’était pas loin. J’avais heurté le pare-brise et heureusement, ni le pare-brise, ni ma nuque, ni ma tête ne s’étaient cassés. J’étais en sang. Le moteur était emballé. Je n’arrivais pas à couper le contact, et mon ami m’aida à m’extraire de la voiture, de peur qu’une explosion se produise. Je compris plus tard pourquoi je n’étais pas arrivé à couper le moteur, la voiture avait percuté le platane de mon côté qui était complètement enfoncé et j’étais passé presque au niveau du siège arrière.
Nous sommes sortis de la voiture et j’ai été hospitalisé. Mon ami n’a pas été blessé. Il a eu vraiment très peur.
Je gardais cette scène en mémoire, sans m’y attacher. J’avais à m’endurcir. Je pratiquais les arts martiaux de façon intensive, et les études avec un objectif de réussite. J’arrivais finalement au bout de quelques années à mon diplôme forestier et je réussissais haut la main le concours de garde forestier. Mon premier poste fut en Corse. Je m’installais donc dans cette merveilleuse région avec ma femme et notre fils ainé. J’étais jeune garde forestier et jeune papa. J’avais bien réussi mon concours, et j’avais en tête une progression rapide au sein de l’Office National des Forêts. Pour la première fois j’avais un compte en banque fourni et une possibilité de crédit. J’atteignais mes premiers objectifs. Ma vie de famille était stable et j’apprenais ce que c’était que d’être un mari et un papa. Dans la continuité de ce que j’avais fait les saisons précédentes, je m’engageais à l’année comme sapeur-pompier volontaire, et cela aussi occupa bien mon temps libre.
Mais je reçus un deuxième coup, plus sévère, qui stoppa net mes ambitions et mes perspectives de carrière ou d’endurcissement. Je m’étais en effet endurci intérieurement, essayant cependant d’apporter le maximum de douceur et d’écoute à ma famille ou à quiconque. Ne comprenant pas comment le monde fonctionnait, ou les gens autour de moi, je faisais de mon mieux, essayant de donner le meilleur de moi-même d’après ce que je ressentais d’eux. Face à tous les courants émotionnels et tous les ressentis que je pouvais avoir, j’avais dressé des barricades. Des murailles de pierre. J’étais en apparence aimable, mais à l’intérieur un froid semblait omniprésent. Le froid de la pierre qui enserre le cœur qui ne veut plus souffrir et qui peut difficilement s’ouvrir, se sentir en confiance. Pleinement en confiance. J’essayais aussi de contrôler ce que je pouvais. Je n’aimais pas les surprises et l’inconnu. J’essayais de prévoir ce que je pouvais prévoir. En limitant les moments d’inconfort.
J’ai eu la chance de vivre plusieurs circonstances favorisantes qui m’ont amené à la rupture. C’était deux semaines avant la naissance de ma fille. Ma femme vivait une grossesse fatigante et je ne pouvais pas être assez présent pour la soutenir. Elle est allée finir la grossesse chez ses parents, et je devais la rejoindre quelques semaines plus tard afin d’être là pour la naissance. Deux jours avant de prendre le bateau pour le continent, j’ai eu une altercation avec ma chef de service. Depuis quelques temps je sentais une opposition avec cette femme, et des jeux de pouvoir qui me révoltaient. J’étais en colère après cette altercation. J’avais des problèmes de santé que je n’avais pas identifié, et après cette altercation, je roulais jusqu’au village où j’habitais. Arrivé dans mon quartier, je me sentais bizarre. J’ai demandé à mon voisin et ami de venir avec moi, j’allais me coucher.
Mon ami était aussi pompier et il ne me posa pas de questions. Il me suivit dans la maison, et je lui demandais de m’accompagner à la chambre. Je sentais quelque chose qui n’allait pas, sans pouvoir l’identifier.
Je m’allongeais sur le lit et Philippe me demanda si je voulais qu’il ferme les volets ou qu’il allume un feu.
Je lui répondis « tu peux fermer le chauffage de l’avion », ou quelque chose comme ça.
Il me demanda de répéter, et ma réponse fut tout aussi incohérente.
Intérieurement, je vivais la scène depuis un espace qui semblait en retrait. Tout d’abord, j’avais senti des picotements dans les mains et dans les pieds. Ces picotements avaient remonté assez rapidement et envahissaient les jambes et les bras.
Je voyais que je voulais dire quelque chose, et les mots qui sortaient n’était pas ceux que je souhaitais dire. J’observais cela avec inquiétude.
Je voyais que les propos étaient incohérents car j’entendais d’autres mots que ceux que je voulais formuler, et aussi parce que Philippe me regardait étrangement et me demandait de répéter, sans rien comprendre.
Cela fut plus incompréhensible quand ma lèvre se paralysa sur sa moitié, puis mon visage, et enfin mon corps. J’étais partiellement paralysé. Cela est allé assez vite il me semble, mais je n’avais pas la mesure du temps.
Philippe faisait de son mieux, essayant de comprendre ce qui se passait. C’était d’autant plus compliqué qu’il n’y avait pas d’informations concernant les AVC à la fin des années 90. Bref, il appela des secours. Les amis pompiers sont venus, ainsi que la médecin urgentiste du canton. Apparemment, je vivais une crise de méningite foudroyante, il y avait eu plusieurs cas en Corse avec une issue fatale à court terme.
Je fus transféré à l’hôpital d’Ajaccio en hélicoptère. Cela prit du temps. Mais j’étais déjà ailleurs.
Après la paralysie partielle du corps, j’ai senti les pétillements gagner le tronc, et j’ai senti que c’était le moment de lâcher. Je regrettais amèrement de ne pas avoir su montrer mon amour. De ne pas avoir su dire je t’aime aux être que j’aimais tant. Je regrettais de ne pas avoir pu embrasser une dernière fois ma femme et mon fils, ou mes parents avec qui j’avais une histoire distante, mais je le remarquais sur l’instant, basée sur un amour. Il est difficile de constater que sous la relation souffrante avec nos parents il y a un amour si fort et si impossible à vivre. J’avais des regrets, mais je n’avais pas le choix. Je fermais quelque chose en moi. Paisiblement. Sans pouvoir rien ajouter de plus. Sans rien exprimer de plus. J’étais dans un silence intérieur, observant les dernières pensées, et puis cela s’est fini.
On m’a déclaré mort.
Je ne pourrais pas vous assurer que j’étais cliniquement mort ou que l’on m’a fait tel ou tel test. Je sais juste que j’étais mort, et que le personnel médical avait arrêté ses soins pensant que j’étais mort.
Au village, mes amis ne savaient pas comment annoncer la nouvelle à ma femme qui allait accoucher d’un jour à l’autre.
Dans l’hélicoptère, le personnel a sursauté quand d’un seul coup j’ai ouvert les yeux, je les ai regardé et j’ai souris en leur demandant ce que je faisais là.
Je suis resté en observation à l’hôpital jusqu’au lendemain, et j’ai signé une décharge pour sortir et prendre le bateau pour aller rejoindre ma fille qui finalement allait naître quinze jours plus tard.
J’ai vécu un AVC.
J’ai vécu une deuxième expérience de mort provisoire, ou NDE (near death experience).
Cela est passé assez inaperçu : je n’étais pas mort, la vie continuait.
Mais je venais de vivre un gros bug, et j’ai mis du temps à m’en remettre, si tant est que je m’en sois remis.
Il m’est alors revenu progressivement, et cela a pris des années, un ensemble de questions.
La première était : qui suis-je ? Ou que suis-je ?
J’avais bien été interpellé par cette question dans les cours de philosophie en classe de terminale, mais les réponses ne m’avaient que partiellement convenu.
La deuxième était : que venait-il de se passer ?
Quand j’avais fermé les portes de la vie, je m’étais retrouvé flottant au-dessus de mon corps.
J’entendais les amis pompiers, je voyais toutes les personnes. Je les entendais tant par leurs paroles, que par les pensées que je captais clairement.
Je les voyais tant parce qu’ils étaient autour du corps, que parce que je pouvais passer dans les autres pièces en traversant les murs.
Que venait-il de se passer.
Une troisième question est alors montée : quand je flottais au-dessus de mon corps, que je percevais un ensemble de choses concrètes, qui percevait ? Que suis-je vraiment ?
Car j’avais bien compris que mes yeux étaient restés sur le corps. Mon cerveau aussi. Alors comment est-ce que je voyais ? Comment pouvais-je penser sans cerveau ?
Ces questions allaient émerger au fur et à mesure des semaines, des mois, des années qui ont suivi.
Car le plus déroutant n’était pas là.
Du jour au lendemain, un autre monde s’ouvrait à moi. J’ai commencé à voir des fées, des anges, à sentir puis voir et interagir avec des êtres défunts.
Je me demandais si je ne devenais pas fou. Voir des fées et des anges, ce n’est pas uniquement une expérience visuelle. C’’est une expérience sensorielle, car vous recevez des ondes d’une énergie non terrestre. Non humaine. Vous recevez des variations d’énergie d’amour. Un amour qui n’a pas d’égal. Il est divin.
Certains auraient jubilé de percevoir cet autre niveau de réalité. Pas moi. J’étais persuadé que ces êtres s’étaient trompés d’interlocuteur. J’étais effrayé à l’idée de devoir quitter un niveau de réalité dont j’imaginais pouvoir m’accommoder. Alors j’essayais de négocier. Parfois, je me retrouvais dans la forêt à genou, pleurant et implorant pour retrouver ma vie d’avant l’AVC. Pour continuer une vie « ordinaire ». Mais ce qui pleurait et implorait était une part de l’être que je croyais être. Une autre part prenait sa place. Doucement. J’accouchais d’un autre moi-même. Ou du moins, j’acceptais doucement l’idée que je ne savais que peu de choses sur ce que j’étais vraiment. Et j’acceptais aussi l’idée que je ne savais pas grand-chose du monde qui m’entourait. J’avais à redécouvrir le monde et essayer de comprendre ce que « je suis ».
Je me suis parfois demandé qui était « parti » lors de l’AVC, et qui était « revenu » dans ce corps. Je me sentais différent. Pas tout à fait le même, sans pouvoir donner une explication rationnelle à cela. C’était juste un ressenti.
Il y avait une différence.
Du jour au lendemain, je me suis ouvert aux thérapies alternatives, à l’alimentation bio, à l’homéopathie, et à envisager l’école à la maison. Tout cela en quelques mois.
Mais là n’était pas le plus marquant. Bien sûr, mon entourage a vu un changement extérieur. Mais le plus gros changement était intérieur. Et je n’arrivais pas à partager cela. C’était trop décalé avec ma vie d’avant. Les premiers échanges que j’ai eu sur ces rencontres féeriques ou angéliques étaient mal perçues par mes proches. Alors j’ai gardé cela pour moi.
Je remarquais aussi une chose : je ne pensais plus pareil qu’avant. J’avais du mal à me concentrer. La partie mentale avait subi un choc. Par contre, ma sensibilité, déjà très élevée bien que réfrénée sous ma carapace, venait d’un seul coup de passer à un niveau très très élevé.
Et je faisais aussi le yo-yo entre ces rencontres angéliques avec lesquelles, par perméabilité, je sentais des vibrations très fortes, et après leur départ, je vivais des chutes énergétiques qui me plombaient le moral. Je vivais entre deux mondes qui ne semblaient pas coexister. Du moins en moi. Je faisais donc des va-et-vient énergétiques selon le monde auquel j’étais connecté. Et je ne choisissais rien dans tout cela. Ça se faisait de manière impromptue.
Je rentrais de plein pied dans le deuxième monde des traditions celtiques. Le monde spirituel, le monde de l’énergie et des esprits du ciel et de la terre. Je peux vous partager cela aujourd’hui. Ce sujet semble mieux accepté par un nombre croissant de personnes.
Ce que je retire de ces expériences :
Comme la plupart des personnes, je m’étais lancé dans la vie active avec cette question non résolue : qui suis-je ? Je m’étais lancé tête baissée dans ce qui me semblait être le monde de tout le monde. C’était dans la continuité de ce que mes parents avaient vécu et de la majorité des personnes qui m’entouraient.
Et cela détermine nos pensées, nos émotions, nos histoires, et notre relation au monde.
Je ne savais pas que d’autres civilisations voient le monde différemment, et pensent l’individu différemment.
Peut-être que se poser la question « qui-suis-je ? » nous permettrait de lever la tête et de se poser un instant avant de reproduire une façon de vivre qui apporte des joies mais finalement ne rend pas vraiment heureux. Car dans cette question, il y a une réponse essentielle. Une rencontre à faire. Une écoute qui évolue au gré de nos expériences : « Je suis ».
Qu’est-ce qui se passe intérieurement quand nous disons « je suis » ? De même, quand nous touchons une autre personne et que nous écoutons intérieurement ces mots « je suis » (et pas « tu es »). Quand nous écoutons cet écho de la formulation « je suis ». De même, quand nous touchons la terre, « je suis », quand nous touchons un arbre « je suis », ou que nous sentons le parfum d’une fleur « je suis ».
Au-delà du concept, il y a une expérience.
Et dans cette expérience du « je suis », il y a la vie, et il y a la mort.
La mort n’est pas un sujet que l’on peut occulter. Mais la majorité d’entre nous attend le dernier moment pour étudier cette question.
Si vous pensez que la mort est une fin, vous n’allez pas avoir la même vie que si vous pensez que la mort est la fin du corps physique, mais ce qui était dans le corps physique, ce qui l’animait, continue son existence, dans d’autres niveaux de réalité. Voire de revenir sur Terre, sous une autre forme.
Il est différent de vivre quelques décennies que de vivre une éternité.
Un ami en visite au Laos ne comprenait pas pourquoi la famille où il était logé ne mettait pas toute son énergie à changer certaines choses. Il lui fut répondu « ce que nous ne pouvons pas changer de suite, nous pourrons le faire dans une autre vie ». L’urgence n’est pas la même. Et le niveau de stress non plus.
De même, il est différent de percevoir une plante, un animal, une montagne, comme étant dépourvus de ce quelque chose d’invisible, ou de percevoir cet invisible.
Ce rapport à la mort a aussi une incidence sur les suicides.
Récemment, nous avons reçu la visite d’une personne suicidée (à la maison, nous canalisons chaque jour, et récemment c’est un suicidé qui s’est présenté). Le problème du suicide, c’est qu’une fois décédé, il n’est plus possible de se suicider. Tuer le corps physique est une chose, mais une fois cela accompli, nous continuons à vivre. Et nous avons alors l’épreuve qui se présente à nouveau, mais dans une autre temporalité, sans possibilité de faire cesser l’expérience si ce n’est par une transformation intérieure. On ne peut plus se suicider de l’autre côté du voile. L’âme blessée devra passer certaines étapes de guérison et de transformation qui ont été interrompues dans l’existence qui vient de s’achever.
« Dites-leur que la mort n’existe pas » est le titre d’un livre écrit par canalisation. Nous avons de magnifiques textes qui nous indiquent comment se passe le « passage » en fin de cette existence, et des textes qui nous décrivent cet « après » (qui est aussi cet « avant »).
Par expérience, j’ai compris que la mort n’existe pas. Bien que cette expérience soit marquante, il m’a fallu beaucoup de temps pour revisiter mes certitudes.
Après mon AVC, j’ai commencé à lire des textes sur la mort, comme ceux de Elizabeth Kubbler Ross ou Raymond Moody. Est-ce ma capacité mentale qui était altérée après cet incident, mais je n’arrivais plus à mémoriser comme avant. Je n’arrivais plus à penser pareil. Je crois que ce que j’ai principalement retenu des écrits de Kubler Ross est cette barbarie de la fin de seconde guerre mondiale en France et dans les pays libérés. Une barbarie de vengeance, de besoin de faire souffrir, même des innocents. Cela m’a marqué. Peut-être parce que je sens cela depuis mon enfance. Je sens cette douleur collective et individuelle dans mon environnement. Je sens que cela m’a imprégné et que le chemin de guérison passe aussi par le fait de regarder à quel point nous sommes imprégnés de ces héritages de tristesse, de solitude, de violence criante ou sourde. Notre monde n’est pas celui des livres d’histoire. Notre monde est un monde avec une spiritualité vivante.
Avec de la reliance et de la coopération. Nous sommes les enfants de la Terre et du Soleil comme le disent certaines traditions. Et nous avons déjà bifurqué. Le monde d’avant prend une voie qui continue de s’enliser dans un individualisme sans issue, alors qu’un nouveau monde est déjà en train d’émerger. Dont nous sommes les créateurs, les gardiens. Un monde qui jaillit depuis l’espace lumineux des êtres, un monde qui nait à l’intérieur de soi et se partage avec toute la création.
L’autre point qui m’a marqué dans les écrits de Kubler Ross, c’est cette expérience que l’auteure fait avec son mari de photographier un esprit d’un lieu. Plus que la notion de vie ou de mort, j’étais catapulté dans une autre réalité et j’avais besoin de réponses.
Je percevais de façon accrue, je sentais les émotions qui me traversaient autant que les émotions qui émanaient des personnes autour de moi. Je sentais même parfois leurs pensées, comme lorsque j’avais flotté au-dessus de mon corps.
Et plus que cela, il y avait ces présences visuelles et énergétiques d’esprits de la nature, d’anges et de défunts. Je n’étais pas préparé et cela m’a fortement bousculé. Heureusement que c’était à dose homéopathique.
Je ne savais pas si j’étais devenu fou du jour au lendemain. Je préférais rester discret, car mes rares partages étaient déstabilisants pour mon entourage.
J’avais plongé dans un cartésianisme forcé, et ma réalité avait explosé.
Je plongeais sans repères dans un nouveau monde. J’ai alors cherché des réponses.
J’ai multiplié les stages de reiki, ou de thérapies alternatives.
Mais ce qui m’a beaucoup appris était ce qui passait par l’expérience. Pas les mots pu enseignements, mais l’expérience vécue. J’ai beaucoup appris en accompagnant des personnes en fin de vie. Cela m’a permis de visiter mes croyances sur la mort.
Malgré l’AVC, j’ai commencé avec la croyance que la mort est une fin. Et très rapidement, avec ces accompagnements, j’ai appris de ces personnes qui m’ont permis d’être à leurs côtés. J’ai appris à travers leurs mots, à travers leurs messages qui dépassaient le verbal, et j’ai même appris après le décès, certains sont venus me faire un coucou après leur décès. J’ai appris par l’expérience.
J’ai aussi été attiré par le chamanisme. J’avais cherché plus jeune une plante sans la trouver. J’avais imaginé voyager auprès de peuples vivant en relation forte avec la nature, mais je n’avais pas concrétisé.
J’ai donc commencé cette découverte avec ce qui se présentait. J’ai rencontré la « voie rouge », les cérémonies des lakotas, indiens d’Amérique du Nord. J’ai suivi cette voie quelques années. Il me manquait quelque chose de plus proche de moi. Qui me parle plus. Je n’avais pas encore trouvé ce que je cherchais. J’étais persuadé que je le reconnaîtrais quand cela arriverait. J’imaginais que cela arriverait d’un seul coup. Mais ce fut différent. Cela arriva progressivement, sans que je ne m’en rende compte.
Parallèlement, je rencontrai aussi le chamanisme à travers les livres de Mario Mercier. Mais ce fut de courte durée. J’étais déjà bien empêtré avec ces apparitions d’esprits, et j’ai essayé de faire certaines expériences comme décrites dans les livres. J’ai reçu alors encore plus de confusion.
Ma dernière expérience de cette période fut le moment où je demandais à un ami d’être le témoin observateur pendant que je m’allongeais dans l’herbe après avoir fait des offrandes à la nature et demandé une révélation. C’était un soir de pleine lune. Un rapace nocturne vint se poser au niveau de ma tête et se transforma en un gros serpent qui partit en rampant dans l’herbe du pré. C’était trop pour moi (et pour mon témoin aussi). Je me sentais en insécurité. Je ne pouvais pas continuer à faire à l’intuition. Il me manquait un accompagnement sécurisant. Je compris que j’avais besoin d’un sage, d’une personne qui saurait m’accompagner. Je ne savais pas où trouver cela.
J’ai imaginé tout rejeter, tout envoyer dans une sorte de vide imaginaire. Dire « stop » à ce que je vivais. Envoyer au loin les apparitions, les voix, les fantômes, l’incompréhensible, l’illogique, l’inconnu. Mais je n’ai pas réussi, car cela était présent. Et il n’y a pas d’interrupteur « off ». Ni de baguette magique. Il y a des possibilités de masquer, avec des drogues par exemple, mais cela n’était pas ma voie.
Je devais accepter. Apprendre la patience. Apprendre de chaque expérience, même si ma soif était grande et qu’il me semblait ne recevoir que de petites gorgées.
J’étais aussi frustré de na pas pouvoir partager. Je pouvais le faire avec de rares personnes qui pouvaient entendre.
Je pense que l’on sent à qui on peut partager ces expériences d’un autre monde.
Ces morts provisoires m’ont permis de comprendre que je naissais pour la deuxième ou troisième fois dans une même existence. Comme un bébé, pour renaitre à soi-même il y a souvent besoin de « parents » bienveillants. C’est peut-être pour cela qu’une grande tribu se révèle actuellement sur terre. Une parenté vibratoire. Je reconnais aussi le rôle majeur que jouent les anciens. Les porteurs de sagesse. Les êtres éprouvés par les expériences et porteurs d’une sagesse sans empressement. Ils apportent une aide précieuse pour celles et ceux qui font leurs premiers pas dans ces autres niveaux de réalité.
Je reconnais les anciens et je reconnais aussi qu’il y a des personnes dont l’intention est de profiter de la vulnérabilité et la fragilité lorsque nous faisons ces premiers pas. Il y a un certain discernement à avoir. Cependant, certains êtres rayonnent suite à un parcours intérieur libérateur. Ce sont les êtres souvent les plus aptes à guider d’autres êtres. J’ai appris en me trompant. J’ai affiné mes capteurs à ce sujet. Là encore, seule l’expérience est source d’apprentissages.
Comme le mentionne Elisabeth Kübler-Ross, « les plus belles personnes que nous avons rencontrées sont celles qui ont connu la défaite, connu la souffrance, connu les difficultés, connu la perte et ont trouvé leur chemin à travers les abîmes.Ces personnes ont une appréciation, une sensibilité et une compréhension de la vie qui les emplit de compassion, de douceur et d’un grand sens de l’amour. »
Finalement, ce que je retiens, c’est que nous sommes profondément marqués par l’environnement dans lequel nous avons grandi. Et qu’il y a un chemin de résilience à parcourir, qui trouve sa place dans cette exploration de notre nature spirituelle.
Nous sommes des pèlerins de la vie, et marcher dans la voie spirituelle, celle qui s’ouvre à chacun de nos pas, quel que soit notre âge, quelle que soit notre niveau social, quelle que soit notre condition physique, est une aventure passionnante et libératrice.
Nous sommes cette tribu qui vit cette expérience de résilience individuellement et collectivement.
Nous sommes cette tribu qui crée la réalité de ce nouveau monde, en collaboration étroite avec tout ce qui vit, dans le visible et dans l’invisible.
« Et au moment où je me laissais aller, j'eus probablement l'expérience la plus douloureuse et solitaire qu'un être humain puisse vivre. Au sens propre du mot je vécus les milliers de morts par lesquelles mes malades étaient passés. J'agonisai dans le sens physique, émotionnel, intellectuel et spirituel du terme. Je fus incapable de respirer. Au milieu de ses souffrances physiques, j'étais parfaitement consciente qu'il n'y avait personne à proximité pour m'aider. Je devrais traverser cette nuit toute seule. (...)Et pour la première fois de ma vie, l'issue fut celle de la foi. Et cette foi résultait de la conscience que je disposais moi-même d'assez de force et de courage pour pouvoir souffrir seule cette agonie. Je le savais profondément. Tout d'un coup, je compris que je n'avais qu'à cesser ma lutte, transformer ma résistance en soumission paisible et positive et dire tout simplement "oui".Au moment même où, en pensée, je dis "oui", ces souffrances cessèrent. Ma respiration se calma, la douleur physique disparut. Et à la place de ces mille morts, je fus gratifiée d'une expérience de renaissance qui ne saurait être décrite avec nos mots. (...)En me réveillant à nouveau environ une heure et demie plus tard, je mis la robe et les sandales et descendit la colline. Là je tombais dans l'extase la plus extraordinaire qu'il est donné à un être humain de vivre sur cette terre. J'étais dans un état d'amour absolu et admirais tout autour de moi. Je me trouvais en communion d'amour avec chaque feuille, chaque nuage, chaque brin d'herbe et chaque être vivant. Je sentais même les pulsations de chaque petite pierre sur le chemin (...)L'expérience que je viens de vous raconter a changé ma vie d'une façon que je ne saurais expliquer. Mais je crois avoir également compris à l'époque que si je faisais part de mon savoir sur la vie après la mort, j'aurais à passer littéralement par mille morts, puisque la société dans laquelle je vis essayerait de me démolir complètement. Mais l'expérience et le savoir, la joie, l'amour et l'excitation qui succèdent à l'agonie, sont des récompenses toujours de loin supérieures aux souffrances. »
Elizabeth Kubler-Ross (dans La mort est un nouveau soleil)
Comments