Je ne sais pas à quoi correspond l’éveil. Je n’en connais pas les signes.
Je pense sincèrement qu’il y a différents niveaux d’éveil. Comme des marches d’un escalier qui nous rapproche de l’ultime.
J’ai donc expérimenté dernièrement une nouvelle marche.
Je venais de finir le livre de Rachel Dutton Olds et quelques textes qu’elle et son mari avaient écrit. Ils ont vécu 9 ans en retraite dans la forêt, explorant une expérience spirituelle intense.
Je restais avec leur invitation que j’avais déjà entendue : regarder avec les yeux du cœur. J’ai déjà fait diverses expériences avec les yeux du cœur, mais récemment, j’ai rencontré une nouvelle forme.
J’étais depuis quelques jours à Agde, ma ville natale. Pour passer un temps en famille et pour aller voir la mer. La mer est aussi vibrante à mes yeux qu’une montagne sacrée.
J’étais donc en bord de mer, pendant que mon fils jouait avec le sable et l’eau d’un petit bras de mer qui s’était déployé sur le sable et formait comme une grande mare peu profonde. Je le regardais un instant, puis je me focalisais sur l’eau. Je regardais cette eau sans intention particulière. Je sentis cependant au bout d’un court instant, peut-être une minute, que mon regard changea.
C’est difficile à décrire. J’ai vu autre chose que de l’eau. Je connais la mer, et j’ai regardé l’eau de nombreuses fois. De très nombreuses fois. Mais là, je sentais que mon cœur souhaitait regarder l’eau. Je laissais mon cœur regarder l’eau à la place de mon cerveau. Je regardais avec les yeux du cœur.
Cela aussi je l’ai déjà fait. Regarder depuis un espace d’amour et se sentir en résonnance avec l’eau. Mais cette fois-ci ce fut encore différent.
On pourrait dire que j’étais sorti du temps. De la temporalité. Tout bougeait au ralenti. Les sons étaient eux aussi ralentis. Je suis rentré dans un autre espace temps. Ralenti. Le temps était ralenti.
L’espace, quant à lui, était empli de quelque chose d’assez indéfinissable. Les formes ondulantes de l’eau avaient permis d’accéder à une perception de l’espace de façon dilatée. Où je n’existais pas vraiment. Il y avait bien une conscience qui percevait, mais j’avais l’impression que cette conscience était de la même nature que l’eau.
Je me sentais hors du temps. En périphérie de ces perceptions dilatées, je percevais mon fils jouer. Je sentais une aura de sécurité l’entourer et je pouvais rester dans l’expérience vécue.
Je pourrais dire que j’étais passé de l’autre côté de la conscience.
J’ai déjà expérimenté des dissolutions du « moi », de la personnalité, lors de méditations, ou lors de contemplations.
Là, ce fut différent. La meilleure description que je puisse partager est que j’étais passé de l’autre côté de la conscience. Pour la première fois.
Puis je suis revenu à mon fils et j’ai joué avec lui. Dans une réalité plus ordinaire.
Comme j’aime expérimenter, quelques heures plus tard, j’ai regardé ma femme avec les mêmes yeux. J’ai laissé faire. Je sentais mon champ énergétique changer, et je me suis rapproché de cet état rencontré avec l’eau. Sans arriver à atteindre ce point de bascule.
Je suis donc retourné à la mer et j’ai essayé à nouveau. La grâce a été donnée à nouveau. Une sortie du temps et la fonte des perceptions si ce n’est un ressenti purement vibratoire. Uniquement vibratoire.
Les pensées, histoires mentales et émotions semblaient disparues ou tant en arrière plan qu’elles n’étaient pas perçues.
L’eau a manifesté à nouveau cette dimension autre. Comme si elle devenait une trame ondulante en différentes directions. Comme si elle avait acquis une nouvelle dimension.
J’ai ensuite essayé à nouveau le lendemain. Le problème avec ce type d’expérience, c’est que nous avons facilement tendance à vouloir atteindre un état déjà rencontré. Et nous essayons même de prendre certains raccourcis. Mais ça ne marche pas. Ce type d’expérience est comme une fleur rencontrée sur un chemin. Unique et impermanent. Nous savons juste que cela existe, et que nous pouvons le rencontrer. Libre à nous de continuer à cheminer pour voir si d’autres fleurs se présentent.
Ce que j’ai vécu n’est pas un but ou un objectif à atteindre. Mais je sens intimement que seule une vie dédiée peut permettre cela. Une vie dédiée à plonger dans le mystère de la spiritualité, sous différentes formes. À l’écart des sollicitations habituelles. Avec un temps limité dans les interactions sociales et un temps limité avec les écrans.
Je me demandais s’il était possible d’expérimenter une forme de ralentissement du temps. Comme je n’aime pas trop les concepts, je me demandais si je pourrais en faire l’expérience. Il s’avère que oui, et même plus, il est possible d’expérimenter dans certaines conditions une dilatation du temps si grande que le temps semble avoir disparu.
Regarder avec les yeux du cœur peut commencer à s’apprendre en essayant de connecter le cœur et les yeux. Puis vient un moment où le cœur regarde tout seul. Où le vouloir s’efface et un flux émerge sans prévenir. Ce flux est de pur amour.
Il est fort probable qu’en de tels instants, nous puissions vibrer un amour pur. Dénué d’histoires. Dénué de pensées. Juste un amour qui vibre à travers le corps.
Pur.
Il est fort probable que l’eau vibre de cet amour pur et que nous puissions apprendre d’elle comment revenir à cela.
Ce type d’expérience est facilité par la méditation avec l’eau et avec le feu. Quand leurs formes jouent selon notre regard. Ces formes dansantes nous aident et nous guident dans un parcours intérieur de l’instant.
L’eau peut nous apprendre à éveiller notre cœur. À éveiller notre regard du cœur. Différents regards du cœur. Qui progressivement laissent émerger ce quelque chose d’ultime, d’indéfinissable, et pourtant que nous reconnaissons quand il se présente. Ce quelque chose qui n’a pas de nom. Qui n’a plus de nom. Qui simplement est. Cela est.
Il n’y a plus de séparation ou d’union, car il n’y a que cette chose. Il n’y a que cela.
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