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En Bretagne



Je suis allé rejoindre une communauté orthodoxe pour l’office d’eucharistie du dimanche. J’avais besoin de ce calme d’un monastère et j’aime découvrir les différentes façons de prier. Alors nous y sommes allés en famille.

 

L’église était adjacente à un monastère d’hommes, et un monastère de femmes était plus loin, les moniales venant elles aussi prier dans cette même église pour l’office dominical. En plus des moines et moniales, nous étions assez nombreux venus des alentours pour ce rite eucharistique orthodoxe.

 

À côté de l’église, il y avait une source. Après l’office, nous nous sommes attardés dans la boutique de ce lieu pour acheter une icône. Progressivement, le parvis se vidait des moines, moniale set autres participants. Puis alors que le lieu était presque vide, je partis à la voiture chercher quelques bouteilles en verre et j’allais à la source pour les remplir pendant que Lucie et les enfants commençaient à pique-niquer.

Je remplissais les premières bouteilles quand une moniale d’un certain âge vint me rejoindre. Elle me remercia d’avoir emmené les enfants en ce lieu. Nous avions effectivement remarqué qu’il y avait eu très peu d’enfants parmi les participants à l’office.


Quelque chose a fait que nous nous sommes vite « rencontrés » avec cette moniale. Elle avait quelque chose de singulier et j’étais content de pouvoir échanger quelques mots avec elle. Elle avait un rayonnement joyeux à la fois empli d’amour et en même temps avec une certaine austérité. Je lui demandais assez rapidement depuis combien de temps elle était sœur. Elle m’indiqua faire partie des trois sœurs fondatrices du monastère féminin. Mais depuis une dizaine d’années, elle avait senti le besoin de se retirer et vivait dorénavant en ermite.

Comme elle acceptait de répondre à mes questions, je lui demandais ce qui l’avait poussée à devenir sœur, puis ermite.

 

Elle me raconta qu’elle vivait dans le monde, qu’elle avait eu un mari. Elle rêvait d’enfants, mais une maladie avait emporté son mari. Elle avait plongé dans un profond chagrin et avait trouvé un soutien dans la prière. Une prière solitaire. Elle avait alors pensé à se retirer du monde mais n’arrivait pas à franchir le pas.

Un matin, après une nuit où elle avait particulièrement beaucoup prié, elle voulut attraper son verre d’eau, sur la table de nuit, à côté de son lit. Elle tendit le bras et quand elle saisit le verre, elle fut stupéfaite : il y avait dedans une petite figurine en plastique. Cette figurine représentait un homme. « C’était de ces figurines qu’on trouve parfois sur les gâteaux de mariage, où les mariés sont représentés. Là, il n’y avait que l’homme. Cela m’a bouleversé. Cela faisait des mois que mon mari était retourné au ciel, et j’ai reçu cela comme un signe de sa part. J’ai essayé d’en parler autour de moi. Mes amies, des proches de ma famille, et même mon thérapeute de l’époque. Je sentais dans leur regard de la défiance, je sentais que je n’étais pas cru. Alors j’ai cessé d’en parler. Je ne sais pas pourquoi je vous en parle, à vous aujourd’hui. »

- Peut-être parce que vous sentez que je crois aux miracles, lui dis-je avec douceur.

- Oui, peut-être.

Elle reprit après avoir laissé passer la petite vague émotionnelle que j’avais sentie alors qu’elle avait évoqué son miracle.

- Autour de moi personne ne semblait me croire et j’étais invitée à passer à autre chose. Vous savez, pour matérialiser, les êtres retournés au ciel doivent parfois dépenser une énergie énorme, à un point que l’on peut difficilement imaginer, pour matérialiser un objet.

- Oui, je sais. J’ai lu cela dans les témoignages de Roland de Jouvenel, dont sa maman canalisait les messages une fois qu’il est retourné au ciel. Oui, une énergie colossale. Cela reste rare.

- Peut-être pour nous laisser avec nos doutes sur ce grand mystère du passage. Les manifestations sont si rares que ce sont de véritables miracles.

- Oui, je le pense aussi.

 

Elle reprit son histoire.

- Ce miracle, l’apparition d’un simple objet en plastique, m’a tant bouleversée et j’ai trouvé si peu d’écho dans mon entourage que je me suis enfoncée encore plus dans la prière. J’ai assez rapidement pensé à me retirer des relations du monde. J’ai rejoint deux autres femmes qui voulaient fonder une communauté de moniales. Nous avons fondé ce monastère avec nos moyens, et avec nos prières. Mais une fois que cela fut accompli, après avoir vécu dans le lieu pendant neuf ans, j’ai senti que je devais me retirer. Et je vis dorénavant en ermite.

 

Je lui demandais si elle priait beaucoup ou si elle avait la majorité de son temps dédié aux besoins temporels : ménage, lessives, repas à préparer, jardin ou autre. Elle me spécifia qu’elle priait principalement. Jour et nuit.

Puis nous avons senti que la conversation touchait à sa fin. Elle me regarda dans les yeux un court instant, puis me signifia qu’elle allait retourner à son ermitage. Comme je me sentais touché par cette rencontre, je lui demandais son prénom, ou du moins son nom de sœur, afin de prier pour elle. Elle me regarda à nouveau dans les yeux et semblait touchée par ma proposition de prière, car je sentais les larmes prêtes à couler. Elle me donna son nom de moniale, et me laissa seul à la source pour finir de remplir mes bouteilles.

 

Il y a des lieux si étranges. Tellement hors du temps. Tellement hors de nos repères habituels. Je n’aurais même pas pensé à lui demander son mail, ou un numéro de portable. Je me sentais touché en profondeur. Sa présence, son regard à la fois si intense et si doux.

Je trouvais son histoire si touchante que j’ai eu l’élan de vous la partager.

 

La mort est un sujet que j’explore actuellement à travers mes écrits. C’est un sujet sur lequel je m’interroge depuis ma plus tendre enfance. Et d’autant plus après mes deux expériences de « mort provisoire (NDE). Je suis persuadé que la couche est très très fine entre les « vivants » et les « trépassés ». Je suis aussi persuadé qu’il n’y a pas de vivants, ni de trépassés. Il y a juste des vivants. Et un voile invisible qui entoure la matière, la densité, qui permet qu’à certains hyper-sensibles de sentir, voir ou entendre ce qui vit dans cet « invisible », cette réalité qui a une autre densité, une autre temporalité, une autre organisation.

Je suis persuadé que ces deux côtés du voile vivent en étroite relation, ils sont interreliés. Je suis aussi persuadé que si volontairement nous nous ouvrons à cet invisible, il se matérialise dans la densité, à travers nos pensées, notre vibration, et nos actes. Car nous pouvons, chacun et chacune, réaliser cette connexion grâce au canal que nous sommes. Un canal qui peut s’étendre à l’infini, et nous permettre de vivre en relation étroite avec les anges, les esprits de la nature, la Terre et tout un niveau de réalité qui ouvre les limites de ce que nous appelons « notre monde ». Et le miracle émerge quand nous laissons les frontières entre le visible et l’invisible s’ouvrir. Les miracles voyagent sur des ponts aux couleurs de l’arc en ciel.

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