Parfois je le sens. L’Ange. Dans mon for intérieur.
Parfois je ne le sens pas. La présence joue alors à travers certaines manifestations.
Ce matin, j’étais sur la terrasse, absorbé par mes pensées. Les pensées affluaient et j’étais tant absorbé par elles que je ne voyais pas le beau ciel bleu, ni les nuages qui jouaient dans l’air matinal. Le soleil ne me touchait que superficiellement. Je ne lui laissait aucune place dans cet intérieur. Je le laissais dehors, à la porte de ma peau, et peut être même qu’il n’était pas aussi près avec ses rayons. Peut être était il tout simplement dans un espace lointain, assis dans son coin de ciel, à laisser ses rayons se déployer.
J’étais absorbé par mes pensées. Je saisis mon téléphone portable pour voir les messages du matin. Un petit tour sur internet pour regarder les derniers courriels. Alors que je regardais un mail, j’ai senti un mouvement devant moi. Sortie de nulle part, une plume blanche volait. Elle descendait lentement du ciel, en un vol suspendu et lent. Elle prenait son temps. Je laissais mon attention rejoindre cette plume d’une blancheur éclatante. Pure. Une plume qui était imprégnée de soleil.
Je ma suivis jusqu’au sol. Dès qu’elle toucha terre, elle sembla perdre sa qualité. Elle devenait une chose posée sur un trottoir, une chose parmi d’autres. Elle devenait si terrestre qu’elle en oubliait le soleil. Posée à l’ombre, elle s’était abandonnée à la vie terrestre. J’observais un premier passant qui la frôla, sans la voir. Absorbé par ses pensées.
Sur le balcon, je regardais. Les pensées avaient changé. Le soleil y était entré. Il a fallu qu’un ange lâche une plume pour que je revienne à cet instant.
Le ciel était d’un bleu profond. Un bleu si profond que les nuages devaient donner une perspective, un objet à saisir pour l’œil, qui sinon se laisse entraîner dans ce bleu vivant.
Le soleil était bien là. Rayonnant dans ce ciel profond, l’astre déployait tant de lumière et de chaleur que la matinée augurait une belle levée de température. Les toits des maisons de la petite ville semblaient impassibles aux mouvements des humains. Ni le ciel, ni les toits des maisons ne semblaient prêter gare aux pensées qui filaient, ces humains qui marchaient ou ces voitures qui se déplaçaient.
Il y avait au dessus de ce flot mouvant un autre rythme. Une autre profondeur. Très en retrait, je sentais l’Ange en moi prêt. Il est toujours prêt. Prêt à se manifester ou à prendre le relais.
L’Ange patient vole dans d’autres espaces quand nous ne lui laissons pas la lace dans notre intérieur. Car l’Ange a besoin d’espace. Un espace entre deux pensées est un bel espace. Surtout si les pensées sont bien espacées.
Les pensées ne sont pas un flot. Elles sont des répétitions d’apparitions. Elles tombent de nulle part pour retourner dans ce nulle part. Elles apparaissent et se succèdent dans une rythmique si soutenue qu’elles semblent arriver en continu. Mais il y a un espace. Un interstice. Au départ si fin qu’il serait imperceptible si nous n’y prêtions attention.
Progressivement, nous laissons ces pensées être, apparaître et disparaître, et nous pouvons observer un peu plus cet espace entre les pensées. Cet espace où quelque chose attend de pouvoir se déployer. C’est dans cet interstice, à force de l’observer, de le laisser grandir, qu’un jour est apparu l’Ange. Et c’est de cet espace que l’Ange est invité. Il aime regarder par ces yeux que je lui offre. Il aime bouger ce corps que je lui abandonne un instant. L’Ange aime cela. Et il est si bon de devenir étranger à soi même.
L’Etranger, c’est moi. Ce que je suis à ce moment là, il n’y a pas de prénom, pas d’histoire, pas de hier ni de demain. Il y a un rayonnement aussi pur qu’une plume qui vole sous un soleil levant. Ce rayonnement empli le moment présent. Il n’y a que déploiement. L’étranger observe vaguement, de façon lointaine, pour ne pas l’interrompre. Car l’Ange est présent. Il perçoit. Il se nourrit de tout ce qui l’entoure, et même au-delà. Il perçoit des vagues d’amour et des courants particulièrement lumineux qui relient les êtres. Ces trames de lumière qui relient des présences à d’autres présences. Il perçoit au-delà des distances. Il perçoit même au-delà de la matière, là où vivants et morts ne se séparent jamais. Là où le ciel devient un espace visible et non transparent. L’Ange voit. Il perçoit. Et l’étranger ne peut que constater son aveuglement. En retrait, il ne perçoit que la présence. Car en ces moments, seul l’Ange est devant. Seul l’Ange est présent. Et le ciel apparaît.
photo: Image parChristine Sponchia de Pixabay
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