Maestro
- Stéphane Boistard

- 21 sept.
- 5 min de lecture

Nous avons fait une petite immersion en terres Q’eros, au Pérou. C’est-à-dire que nous sommes allés dans les montagnes à la rencontre d’une communauté qui a vécu isolée pendant des siècles. Cette communauté d’environ mille âmes vit reculée dans les montagnes. Si reculée qu’elle a été découverte dans les années 80. Et la piste qui arrive jusqu’au village principal date d’environ 10 ans. Avant, il fallait une journée de marche avec chevaux et lamas pour rejoindre un endroit où la piste arrivait et permettait d’acheter quelques provisions au village moderne le plus proche (qui est à environ deux heures de conduite). L’électricité est arrivée par endroits il y a environ 5 ans.
Si la modernité a apporté des changements dans les habitats, et dans la façon de percevoir le monde, il réside là un parfum d’un autre temps. J’ai notamment aimé partager du temps avec ceux qui vivent isolés dans la montagne. Des bergers qui vivent avec leurs lamas et alpagas. Leurs maisons n’ont ni eau, ni électricité. Ce sont des murs de pierre sèche, surplombés d’un toit de chaume. Une simple porte et une petite fenêtre comblée par quelques pièces de plastique sont les seules ouvertures.
Ils vivent là, avec les animaux, avec les montagnes, les rivières et cascades, avec les lacs d’altitude. J’ai aimé communiquer avec eux. De cœur à cœur. Ne parlant pas leur langue natale, le quechua, nous n’avons pas pu communiquer avec les mots. Alors nous avons communiqué avec le cœur.
Communiquer, dans ces moments-là, c’est simplement être avec. Être avec l’humain qui est présent, être là avec les montagnes et lacs sacrés. Car pour eux qui vivent avec les montagnes et les lacs, tout cela est sacré. Vivant. Il y a un dialogue permanent avec ce qui est là.
Malgré la vulnérabilité apparente et la pauvreté de ces personnes qui n’ont ni véhicule, ni diversité de nourriture, ni isolation, ni chauffage dans leurs maisons, ni de commerce ou médecins à proximité, ni compte en banque… il se dégage de ces êtres une sérénité peu commune. Une paix heureuse. Comme une sagesse qui vit hors du temps.
Pour un occidental moderne, il y a un gros décalage. Comme par exemple l’incompréhension de tout ce qui dépasse notre logique. Par exemple, les bergers accompagnent les lamas le soir dans les enclos. Les lamas y passent la nuit puis au matin, ces bergers les invitent à sortir. Simplement en étant là, car ces enclos sont des murs de pierre dont il n’y a pas de porte. Les animaux peuvent entrer et sortir à leur aise, mais ils attendent patiemment que ces humains viennent pour sortir. Les bergers ne font rien de particulier en apparence. Ils n’ouvrent pas de porte physique, ils ne poussent pas les animaux hors de l’enclos… Ils sont juste là. Chaque matin, chaque soir, chaque jour. C’est une relation de présence. Et les animaux se relient à ces bergers. Des enclos sans portes. Des montagnes comme seuls témoins de ces gestes ancestraux de présence. Une façon de regarder le ciel ou la terre, ou les animaux.
Au-delà des mots, au-delà de nos logiques, il y a dans ces êtres tant de terre et de ciel qu’il est difficile de percevoir ce qui serait séparé de l’immensité. Ils font partie de cette immensité. Ils semblent vivre dans un autre temps. Dans une autre dimension humaine.
Pour communiquer, le seul moyen que j’ai trouvé, fut de me connecter aux montagnes et aux eaux sacrées. Laisser mon cœur s’ouvrir. Être présent. Sans rien chercher de particulier. Quand on n’a pas de parole à partager, pas de choses à échanger, il ne reste que la présence. Partager une vibration.
Souvent, dans une relation nous pouvons chercher à être reconnu, à être aimé, à être pris en compte… Là, avec ces êtres paisibles, rien de tout cela. L’ego semble absent. Pas de mission de vie, pas d’informations mondiale ou régionale à saisir, pas de rendez-vous à honorer ou de dossier à rendre… Le seul dossier en cours, c’est être présent et arriver à manger avec les moyens présents. Sans agitation. Sans course contre la montre. Juste s’accorder au divin. Puis faire ce qui est nécessaire. Laisser l’énergie des montagnes et du ciel apporter une vibration, des informations, et agir.
Avez-vous remarqué combien certains êtres de sagesse sont disponibles ? J’ai passé quelques instants à rencontrer ces êtres des montagnes. Un temps court et à la fois si long, car hors du temps. Quand je les ai rencontrés, nous n’avons rien fait. Juste une parole d’accueil, un sourire, un regard vers la montagne. Et je me suis posé. Et chacun s’est aussi posé avec moi, le temps de ma visite.
Comment décrire ce parfum divin qui était présent. Comment décrire que ces montagnes si grandes vibraient si fort qu’elles me parlaient au plus profond de l’être.
Le retour dans le monde plus moderne, plus habituel fut un gros décalage.
Devant un stand de jus de fruits frais, un homme portait un t-shirt avec un Christ rayonnant. Je lui demande si c’est lui qui a fait ce vêtement. Il me réponde que c’est un ami à lui. Mais qu’il s’agit du Christ maître, pas d’un Christ des religions. « Un maestro ».
Oui, nous avons besoin de maîtres. De grandes sources vibrantes pour nous élever. Pour nous hisser vibratoirement au-dessus de nos importances et de nos occupations mentales.
Quels sont nos maîtres, ces énergies que nous appelons, que nous accueillons en nous, que nous laissons imprégner nos corps, nos cœurs et nos âmes ? Quelles sont ces énergies qui nous invitent à nous mettre à genou et remercier pour cette présence ? Humblement. Au plus profond de notre être.
Sachant qu’à chaque instant nous sommes parcourus ou manipulés par des énergies traversantes, des informations et messages qui viennent de tous côtés, de toutes dimensions, quels sont nos phares qui orientent la lumière en nous et nous rendent plus humains ?
Quels sont les rayons de soleils que nous appelons pour ensemencer notre Terre intérieure ? Et de là, quelles semences, quelles fleurs, quels parfums offrons-nous au monde ? Si c’est du stress, c’est qu’il y a quelque chose à changer.
C’est que certaines énergies ne sont pas accueillies. C’est que notre cœur a du mal à s’ouvrir tant nous essayons d’être importants. Tant nous cherchons à l’intérieur et à l’extérieur ce qui a toujours été là. Ce qui ne demande qu’à être accueilli. Paisiblement.
Sans récompense. Sans honneurs ni gloire. Sans combats, ni victoires, ni défaites. Aussi riches que des bergers analphabètes qui lisent dans les montagnes, les cascades et les différents ciels que la vie est si riche. Si intense, que chaque goutte qui tombe dans nos cœurs apporte une vibration supplémentaire. Chaque goutte qui tombe dans un lac en change l’information. Chaque reliance que nous laissons entrer en nous, que nous appelons, apporte un rayonnement nouveau.
Accueillir le divin avec ce qui est à notre portée c’est accueillir la divinité qui ne demande qu’à fleurir dans nos jardins intérieurs. Que ce soit une montagne, une cascade, un arbre, un animal, un humain… il y a tant d’êtres qui manifestent ce divin qu’il s’agit juste d’en trouver qui nous font vibrer. Et de se laisser volontairement transformer. Se laisser opérer du cœur. Se laisser influencer, comme la Terre aime se laisser influencer par les rayons de soleil.
Puis savourer. Laisser l’âme étendre ses ailes et accueillir la lumière.
Laisser l’ombre et la lumière se refléter sur les ailes de nos âmes.
Pas l’ombre de nos défauts, de nos peurs ou conditionnements. L’ombre est une qualité. Une terre parfois brulée, une terre parfois enfouie avec ses êtres d’un autre monde. Tout cela est accueilli quand l’âme déploie ses ailes. Quand patiemment nous apprenons à être de ce Ciel et de cette Terre.
Rien d’autre n’importe. Nous ne changerons pas le monde. Nous serons juste vibrants. Des êtres vivant en lien étroit avec l’éternité.

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