Maestro
- Stéphane Boistard

- 18 oct.
- 9 min de lecture

Bonjour,
Merci pour vos encouragements et pour les différents dons. Les Zoom vont reprendre sous peu, le branchement internet dans notre vallon est prévu pour la semaine prochaine.
Dans un prochain mail, je vous partage les rendez-vous de cette fin d’année. Pour le moment, c’est un nouveau texte qui s’est présenté.
Je vous invite à nouveau au Pérou, cette petite suite péruvienne, avec ce texte « maestro ». En espérant que cela puisse vous apporter un peu de bienfaits en le lisant, et aussi de la joie dans votre cœur.
*****
« Tu es un maestro » me dit mon amie guérisseuse péruvienne Sara. Oui, je le sentais bien ce qu’elle disait. D’ailleurs, elle se tourna vers une autre personne et lui dit : « tu as remarqué que Stefano est un maestro ? » (Stefano est mon nom en Amérique du Sud). La personne acquiesça.
C’était donc entendu, je suis un maestro. Au Pérou, maestro peut désigner une personne qui maitrise un sujet, l’agronomie ou la soudure par exemple, ou un enseignant spirituel qui est assez accompli et avancé sur le chemin, et capable de retransmettre ou d’enseigner (ou soigner).
J’étais donc avec cette notion, et je la partageais avec ma femme le soir venu :
- Tu penses toi aussi que je suis un maestro ?
- Oui tout à fait, me répondit-elle.
Je m’endormis donc là-dessus, et je rêvais de dimensions particulièrement mystiques et lumineuses cette nuit-là.
Le lendemain, empli de maestria, je partageais un moment seul à seul avec Sara, et au moment de la quitter, elle me dit :
- Tu es orgueilleux. Elle fit une courte pause et me scruta bien, puis ajouta : Oui, tu es orgueilleux. Et pas trop spirituel.
J’en restais bouche bée.
- Bon, si tu veux, dis-je un peu étourdi par cette nouvelle affirmation.
D’autant plus qu’elle me disait cela sans la moindre critique. Sans apparence de jugement particulier. Elle me disait cela comme si elle m’avait dit que mon chapeau était de travers ou que le ciel était bleu ou nuageux. Un simple constat.
Je marchais donc jusqu’à mon logement où ma femme venait de se lever.
- Tu te rends compte, Sara m’a dit que je suis orgueilleux… dis-je espérant que ma femme au moins verrait le maestro et serait opposée au constat de Sara.
Elle me regarda à peine et répondit :
- Oui, c’est vrai. Tu es orgueilleux.
Je m’assis sur le bord du lit, je ne comprenais plus.
- Je suis orgueilleux ou un maestro ?
- Ça dépend. La plupart du temps, tu es dans une vibration haute et tu rayonnes. Et une énergie spirituelle parle à travers toi. Et à certains moments, comme ce matin, tu rayonnes une énergie autre. Plus mentale. Plus socialement commune. Moins spirituelle.
Je voyais qu’elle essayait de me décrire la chose, et plus elle donnait de détails, plus je me renfrognais.
- Tu dis « énergie commune », « moins spirituelle »… tu le vois à quoi, là, alors que je viens juste de rentrer et toi de te réveiller ?
- Et bien je le sens. Pas besoin que tu parles pour le savoir. D’ailleurs, quand tu parles, cela ne fait que confirmer ce que j’avais senti.
- Et comment ça s’en va cette énergie que tu sens ?
- Ça, c’est d’abord ton boulot. Tu peux observer cet état. Le sentir. Pour le reconnaître. Puis ensuite, on va voir comment transformer cela. Si tu n’y arrives pas, je pourrais t’aider.
Dans un premier temps, je suis resté assis. Sur le bord du lit. Notre location était petite, et il y avait seulement un lit, une chaise et une petite salle de bains.
Je me répétais « je suis orgueilleux… qu’est-ce que ça veut dire ? Comment est-ce que je suis orgueilleux ? Qu’est-ce qui peut faire penser cela ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Ou dit ? » Bref, ça pédalait dans la tête.
Ma femme vint me voir et m’embrassa sur le front :
- Tiens, reçois mon amour. Ce n’est pas grave tu sais. Ce n’est pas un drame. Ne t’inquiète pas…
Elle voyait que j’essayais de comprendre. Et surtout elle voyait bien que plus j’essayais, moins je comprenais. Et aussi plus j’essayais de comprendre, plus je semblais empêtré et abattu sur mon bord de lit. Comme si le ciel me tombait sur la tête. On venait de l’annoncer ma maladie, l’orgueil, et je ne savais pas comment soigner cela.
Je tournais en rond dans ma tête un bon moment.
Puis je choisis d’aller faire un tour dehors. Ma femme voulu m’accompagner un bout, mais sa joie ne me donnait pas envie de partager cet instant avec elle. J’avais besoin de rester bougon un instant, et surtout de comprendre par moi-même.
Je fis une promenade, puis je me posais dans un endroit de nature à l’extérieur du village. Et mes pensées tournaient en boucle.
Je gardais cela jusqu’au repas du midi, et même dans l’après-midi.
En fin d’après-midi, nous avions rendez-vous avec Sara pour aller visiter une champignonnière en bordure de Ollantaytambo. Bien que j’avais envie de découvrir cette culture de champignons, je n’avais plus trop envie de rencontrer qui que ce soit.
Ma femme arriva cependant à me motiver et nous voilà partis en mototaxi avec Sara à travers les rues du village jusqu’à un vieux pont inca tout en longueur. Nous marchions sur le pont et tout en marchant, Sara semblait chercher quelque chose. Il commençait à faire nuit et elle s’arrêtait à chaque brèche ou éboulis du muret de part et d’autre du pont. Elle cherchait quelque chose, mais je ne voulais pas trop parler avec elle, alors je ne lui demandais rien. Puis à une brêche elle s’arrêta et nous dit que c’était le bon endroit. À priori, nous étions arrivés quelque part, mais pas à la champignonnière.
Elle sortit trois œufs de son sac et me proposa une « limpieza » (nettoyage énergétique et spirituel). En général, quand elle me proposait cela, c’est qu’il y en avait besoin. J’acquiesçais, et je reçus donc cette limpieza, où les œufs après avoir été utilisés étaient jetés dans l’eau par la brèche du muret du pont (enfin deux œufs, car le troisième s’est cassé dans mon cou et dégoulina dans mon dos, c’était froid, mais un bon signe pour le nettoyage en cours d’après mon amie).
Quand le nettoyage fut fini avec les œufs, nous avons utilisé un peu d’agua florida (un parfum utilisé en cérémonies et rituels en Amérique du sud) et fumé un mapacho (sorte de cigare à base de tabac sauvage de la jungle, utilisé souvent en cérémonies).
Puis nous nous sommes mis en marche vers la culture de champignons dans un hangar à une dizaine de minutes à pied de ce pont.
Dès que nous avons commencé à marcher après cette cérémonie de nettoyage, je me suis senti différent. La bougonnerie avait disparue, je me sentais tout de suite plus jovial. Le sourire montait tout seul à mes lèvres. La joie était là dans mon cœur qui s’ouvrait à nouveau. Car pendant mes cheminements mentaux et mes entêtements, cette ouverture du cœur n’arrivait pas à se faire.
- Comment vas-tu maestro ? me demanda Sara.
Puis elle se tourna vers ma femme et elle lui dit quelques mots que je n’ai pas entendus et elles ont ri de moi à priori. Peut-être un peu pour l’œuf qui avait coulé dans mon dos, et aussi pour cette journée où j’avais bien ruminé, et la joie que cela cesse.
Je me souviens du titre d’un livre de Don Miguel Ruiz, « la maîtrise de l’amour ». je ne connais pas le contenu, mais dans la Vallée Sacrée des Incas, cette maîtrise de l’amour passe par une notion simple : ouvrir son cœur. C’est-à-dire ne pas écouter les signaux du corps, ni du mental (qui sont au même niveau l’un et l’autre). Ou du moins « renforcer » le corps, l’inviter à dépasser de nombreux signaux, et ouvrir son cœur.
Ouvrir son cœur passe par un constat simple : nous sommes traversés par des énergies en permanence. Et notre cœur est apte à percevoir si ces énergies sont de fréquence haute ou pas. Ces énergies peuvent être de simples énergies provenant de l’invisible, comme des entités qui peuvent aussi venir, ou des programmes.
Notre état vibratoire altère les portes énergétiques de l’être, et de même ces énergies altèrent l’état vibratoire de l’être. C’est un cercle sans fin. Ou du moins une spirale, car cela joue plus ou moins vers le haut ou le bas selon l’attention que l’on met à laisser les énergies hautes s’installer et s’exprimer, et les énergies basses à s’en aller. Si on ne fait pas ce travail de vigilance, et de nettoyage, ces énergies prennent le dessus. Sans que nous nous en rendions compte. Car cela est si proche de « nous » que nous accueillons cela la plupart du temps sans y prendre garde.
Cet orgueil matinal avait été une de ces énergies. J’avais été trop confiant, moins vigilant, et laissé une énergie plus égotique venir et s’installer. Puis l’énergie mentale a nourrit cela et permis à cette énergie de basse fréquence de rester là.
Ce que nous appelons « moi » n’existe pas vraiment dans le temps. Ce sont des énergies, des sensations, des perceptions… qui nous traversent. Cela semble si continu que nous appelons « moi » ce qui perçoit. Mais ce qui perçoit est une âme immatérielle. Elle perçoit tout un ensemble de choses qui vont bien au-delà des cinq sens.
Le chemin spirituel est empli de ces perceptions et d’un apprentissage pour déployer à travers le véhicule « corps » les énergies les plus hautes. Sans que cela n’apporte une quelconque gloire ou glorification personnelle. C’est juste là. Comme un invité de marque qui vient dans une maison. La maison n’en tire aucune gloire. C’est la couronne d’un roi qui brille par la fenêtre, et non pas la fenêtre qui brille par elle-même.
Un « maestro » est un être qui connait sa nature profonde. Sa nature véritable, et qui est vigilant aux énergies qu’il connecte et aux énergies qui l’habitent à chaque instant.
Parfois certains occidentaux appellent mon amie Sara « chamane ». Elle n’aime pas ce mot. Dans les montagnes, ce mot indique une attitude « mystique ». C’est-à-dire une recherche de sensations ou d’états visionnaires, mais dans une identification à un personnage. « Je suis cette personne ».
Elle préfère « cheminant spirituel », qui est plus proche de sa perception de ce qu’est un être humain. Un canal. Dans lequel passent des énergies. Et ce canal est nettoyé régulièrement, et aussi nourri et connecté par des méditations, des lieux sacrés, des rituels et cérémonies… Les visions sont aussi possibles, mais dans une autre perspective. Dans le chemin de découverte de soi. De révélation de l’être éternel que nous sommes qui s’explore et se découvre. Et naturellement le cœur s’ouvre, car c’est un chemin du cœur. Pour mon amie, le « chamanisme » (tel qu’elle l’entend et le perçoit) est plus une forme de spiritualité qui reste au niveau de l’ego et ne permet pas forcément au cœur de s’ouvrir. C’est une voie d’attachement, là où les voies spirituelles sont des voies de libérations.
Il est très difficile de percevoir notre cœur qui a du mal à s’ouvrir ou qui se referme. Aussi, notre entourage fraternel est une bonne aide à cela. Et nous avons le choix d’écouter les êtres qui nous semblent fiables ou inspirants, ou de nous entêter.
J’aime la façon simple et détachée qu’ont Sara ou d’autres guérisseurs. Ils n’ont pas d’urgence. Chacun vit ses propres transformations, chacun a sa propre rythmique de changement. C’est un chemin de persévérance. De régularité. D’efforts. Et chaque pas amène son lot de bienfaits. Parfois les bienfaits semblent juste être des offrandes pour autrui. Il peut n’y avoir que des miettes, voire rien du tout pour le cheminant. C’est peut-être pour marcher de plus en plus légèrement et apprendre à se nourrir de la lumière. À la reconnaître quand elle croit en nous.
Que ce soit aux Philippines, en Inde ou au Pérou, je retrouve les mêmes mots. La même humilité. Le même amour dans les guides spirituels. Et surtout, j’entends souvent « patience », « confiance », et « respire : inspire et expire ». Cela parait si simple…
Essayez. Accueillez ces simples notions. Inspirez. Expirez. Soyez avec cette respiration. Posés dans la confiance et la patience, nous accueillons cette respiration.
Et de l’intérieur de l’être jaillit alors un ensemble de perceptions, de connexions, de guidances, de guérisons, de libérations, d’enseignements… des énergies circulent. Venues d’ici et d’ailleurs parfois très lointains.
Posés à l’intérieur de nous-même, la vie nous attend.
Elle a un goût. Une saveur particulière.
Et pendant que nous sentons cette vie, la fleur de notre cœur s’ouvre et laisse émaner dans l’air ambiant le parfum de l’amour et de la lumière. C’est divin. Et pourtant, seule une autre fleur pourra en saisir la présence subtile. Car le chemin spirituel est un chemin fleuri, où les fleurs parlent les unes aux autres, un langage empli de silences. Un langage empli de présence. Un langage qui unit toutes les langues du monde, car c’est le langage de l’invisible amour. Et comme cet amour est invisible, il a été créé les fleurs du cœur. Pour que ce langage devienne visible. Au-delà des cultures, des religions, des idéaux, il y a ce langage commun. Vibratoire. Le langage des fleurs du cœur. Le langage de la vibration d’amour, qui se déploie avec délicatesse et fragilité à travers chaque être qui le désire.

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