
Lorsque l’on sent un rayon de soleil, on commence à avoir une idée du soleil. De ce que représente le soleil. Une petite idée.
Je pourrais vous donner de nombreuses anecdotes concernant mon voyage en Colombie, car j’ai profité de ce voyage, de cet éloignement avec l’habituel, pour apprendre encore beaucoup. Mais ce que je retiens surtout de ce voyage, ce qui fut une grande révélation à nouveau, fut de sentir ce rayon de soleil. Le sentir se déposer sur mon cœur.
Il est assez facile, lorsqu’on se trouve en présence d’un bébé, de sentir ce soleil. Comme je l’ai ressenti avec ce bébé qui venait de naître et que je rencontrais dans les bras de sa maman, dans la jungle. Un bébé empli de lumière et d’étoiles.
Ce qui me fut grandement bénéfique, ce fut de rencontrer cette même lumière chez une adulte. Clara. Clara de l’eau. Clara del Agua. Je ne sais pas si c’est son vrai nom. Peu importe en fait. La plupart des personnes qui m’ont inspiré n’ont pas vraiment d’identité. Evolène, Gilles, Bernard, Clara… des êtres qui m’ont inspiré et qui m’inspirent encore, car ils occupent un espace hors du temps dans mon corps, dans mon coeur dans mes cellules.
Tous les êtres m‘inspirent, et en fait, je reçois de chaque être un enseignement. Une information sur la Présence. Mais certains êtres particulièrement remplis de transparence me rappellent à cette lumière qui brille dans tout ce qui est.
Car Clara est un être empli de joie. Pas uniquement une joie des instants heureux, mais une joie divine. Constante. Et ce fut la surprise de ce voyage, d’avoir Clara comme voisine.
Elle chante l’amour, la présence, la lumière. Elle chante ce que l’on appelle des chants medecine. Pour une medecine de l’âme. Pour nous rappeler à notre nature divine. Mais au-delà de ses chants, elle l’incarne.
Sortant peu, elle est simplement là. Avec la nature. Avec ce qui est. Et des êtres viennent la visiter. Elle reçoit chacune et chacun de manière équanime, comme autant de manifestations du divin. Elle vous invite à la retrouver dans une vibration où tout est paisible et heureux.
Et j’ai pu observer que cela était aussi présent dans des moments tendus. Comme par exemple cette soirée où Angèle, une amie récemment rencontrée, rentrait de la ville. C’était déjà quelques heures de route en bus. Elle avait ensuite marché une bonne heure dans la nuit pour venir jusqu’à notre petit lieu dans la jungle. Et elle avait demandé à dormir chez nous. Il y avait une chambre vide, et sa famille habitait à deux heures de montée dans la jungle par un petit sentier. Elle était fatiguée. Son périple en ville pour vendre quelques produits, les trajets, l’heure tardive… elle était venue se poser chez nous. Nous l’avons accueillie, ma femme et moi, avec un moment de partage, puis nous sommes allés nous recoucher alors que Angèle allait se reposer dans la chambre voisine. Pendant notre échange, Angèle n’arrêtait pas de se gratter aux bras et aux jambes, comme si une allergie se développait. Elle pensait à du poulet mangé plus tôt dans la journée et une possible réaction allergique.
Mais à peine étions nous en train de revenir au pays des rêves que j’entendis toquer à notre porte. J’ouvris, et je découvris Angèle en larmes qui n’arrivait plus à parler. Elle m’expliqua brièvement que ses narines et son cou gonflaient et qu’elle n’arrivait plus à respirer. Je pensais tout de suite à ces réactions allergiques qui peuvent faire s’étouffer les personnes quand les organes respiratoires s’obstruent, comme un œdème de Quincke. Et là, j’ai senti d’un seul coup cette vulnérabilité d’être sans véhicule, à une heure de marche du village (où il y a une antenne de l’hôpital de la ville lointaine pour des urgences). Mais pas d’ambulance. Pas de pompiers. Pas de moyen d’aller là-bas sauf d’avoir un véhicule ou de porter Angèle. Et cette dernière option était impossible. Et trop long. Si cela enflait encore, elle serait morte avant d’arriver au pueblo.
Tout en invitant Angèle à se calmer et à se poser malgré ses pleurs et sa peur de mourir dans les minutes qui suivaient, j’essayais rapidement d’appeler les personnes que je connaissais qui avaient une moto ou un triporteur. Sans succès. J’allais réveiller ma voisine Clara.
Elle est venue sur le champ, et elle aussi essayait de calmer Angèle tout en tentant de contacter ses connaissances dans l’espoir d’un véhicule. Personne ne répondait à cette heure tardive de la nuit et nous ne savions pas si Angèle allait mourir dans les minutes qui suivaient. À force d’insister, Clara et moi avons chacun pu contacter un ami, et nous savions que dans une dizaine de minutes, le temps d’arriver jusqu’à nous, une moto et un triporteur allaient arriver. Une dizaine de minutes, c’est long quand vous avez une personne qui vous dit qu’elle arrive de moins en moins à respirer et qu’elle se sent mourir.
Ce qui fut merveilleux avec Clara, c’est qu’elle ne paniquait pas. Elle était emplie d’amour et après avoir convenu que les véhicules venaient, elle pouvait se consacrer avec moi pleinement à Angèle qui suffoquait et pleurait en même temps, en évoquant une mort prochaine. Elle lui mentionna « maintenant, tu vas te concentrer sur les cellules à l’intérieur de ton corps. Tu ne vas pas mourir. Respire avec l’air qui rentre. Même si c’est peu, respire avec cela. Calme toi. »
Sa voix était douce et emplie d’amour, comme nous la connaissions dans les moments sans urgences.
« Tu vas te concentrer sur les cellules de ton corps. Elles sont emplies de lumière. Emplies de vie. Elles savent quoi faire. Accueille cela. Concentre-toi sur cette lumière. Car tu vas vivre et ton corps sait exactement comment faire. Aide-le. »
Elle était emplie de confiance, d’espoir, de lumière, et cela générait une énergie bénéfique et apaisante. Angèle ne pouvait que se caler sur cette énergie tant elle rayonnait en ce moment critique.
Nous avons accompagné Angèle au bord du chemin en attendant la moto. Et elle fut vraiment accompagnée. De mon côté, je ne cédais pas à la panique depuis le début, et je me sentais en phase avec Clara dans cet accompagnement dont l’issue était entre les mains de Dieu.
Je pouvais observer comment Clara, dans cette situation, rayonnait.
Pour vous narrer la fin de cette aventure en quelques mots, la moto arriva en premier et fila dans la nuit vers le pueblo après avoir chargé Angèle. Je suivis peu après avec le triporteur, et j’ai retrouvé mon amie aux urgences où elle a été prise en charge et nous avons pu rentrer au petit matin après une longue nuit blanche.
J’ai vu Clara dans d’autres moments délicats, quand des personnes en détresse ou sans savoir comment agir face à telle ou telle situation qui paraissait dramatique sur l’instant, comment elle laissait cette énergie lumineuse la traverser et donner une parole, un chant, une présence… j’ai eu la chance d’être aux premières loges en tant que voisin.
De toutes façons, dès le début, dès que je l’ai vue, j’ai senti qu’elle avait déjà bien abandonné ses vieilles peaux. J’ai reconnu en elle ces êtres qui sont comme mes guides et enseignants sur ce chemin spirituel. Plus vraiment humains. Ou du moins, à travers cette apparence humaine, une présence que je ne saurais qualifier autrement que « ange ». Une présence qui vous fait sentir que le soleil est juste derrière cette présence. Juste derrière cette apparence qui voudrait faire croire à une densité. Mais avec ces êtres qui m’inspirent, je ne me sens pas humain. Je me sens comme un arbre. Comme empli de feuilles le long de mon corps qui se tournent vers cette lumière et l’accueillent pour en nourrir toutes les cellules de mon corps. Même les plus petits espaces, ou les espaces des pensées et entre les pensées. Tous les passés et les futurs se nourrissent de cette lumière du moment présent.
La veille de partir, il était assez courant dans le vallon de faire une soirée avec les personnes que nous avons côtoyé, pour se dire au revoir. On m’a demandé si nous organisions une soirée de départ, au coin du feu. Nous n’avions rien prévu. Les enfants étaient fatigués, nous aussi, et nous savions que le lendemain, une fois les valises bouclées, nous rencontrerions des amis pour faire un gros câlin d’au revoir.
Alors une fois les enfants couchés, alors que je restais à veiller un peu, j’ai rencontré Clara à nouveau. Je l’ai invitée à venir sur la terrasse de notre maison, et face à la nuit, aux arbres et aux étoiles, j’ai écouté ses derniers conseils. Ses derniers enseignements qui venaient se déposer sur mon cœur.
Le lendemain, elle nous fit un cadeau. Une petite statue d’art indigène, mais aussi un petit mot à ouvrir à l’aéroport.
Nous avons gardé précieusement ce petit mot durant les au-revoir, puis durant le trajet jusqu’à la ville et son aéroport. Et ce n’est qu’aux portes de cet aéroport de Colombie que nous avons déroulé ce petit bout de papier. Il y était inscrit : « il n’y a rien d’autre que Dieu. »
Ce matin, avant de me lever, je suis resté un long moment avec cette phrase. Comme les jours précédents. Elle me renvoie un peu à ce passage de la prière matinale de Saint François d’Assise « Seigneur, permets-moi de voir les êtres au-delà des apparences, comme tu les vois toi-même ».
Avec Clara, j’avais aussi senti de façon si forte ce passage de cette même prière :
« Que je sois si bienveillant et si joyeux que tous ceux qui m’approchent sentent ta puissance et ta présence.
Revêts-moi de ta beauté et qu’au long du jour je te révèle ».
Nous avons tous besoin d’inspiration. De respirer. De faire un pas de recul de nos habitudes et d’aller nous poser un instant avec des êtres qui vivent en dehors de notre monde habituel. Pas besoin d’aller à l’autre bout du monde. Parfois ces êtres sont plus proches. L’ange est toujours présent. Il s’agit juste de se permettre la rencontre. De le découvrir. Il est reconnaissable facilement, car à travers lui brille la lumière. Quelle que soit son apparence, ce n'est qu’une apparence.
Il s’agit d’ouvrir notre regard. Ouvrir notre cœur. Et aller simplement à leur rencontre. Sentir comment le lieu où ces personnes se posent est empli de douce vibration. Des particules de louanges, de prières ou de méditations semblent encore suspendues dans l’air ambiant.
Laissez-vous aller à une ouverture confiante. Sans retenue. Pour capter le maximum de cette lumière. Soyez arbre. Soyez feuille ou fleur. Soyez la terre à nue qui absorbe cette lumière au plus profond de son cœur, de son corps, de ses corps.
Laissez flotter dans un arrière-plan lointain vos histoires habituelles. Vos pensées habituelles. Aucune ombre ne peut se manifester quand la lumière est pleine.
Savourez l’instant. Il est unique. Et à la fois éternel, toujours présent. Pour tous les temps.
Car à cet instant précis, vous pouvez faire l’expérience, vous pouvez sentir avec certitude, qu’il n’y a rien d’autre que Dieu.
Il se peut qu’à force de répétition de ces moments de lumière, nous soyons si imprégnés, si ouverts, que les métamorphoses s’opèrent d’elles même, et que nous revenions simplement à notre vraie nature, non plus emplis d’opacités, ni même recevant un rayon de soleil, mais étant à notre tour heureux d’être cet espace cristallin, transparent, directement reliés à la source, traversé par cette lumière, et qu’à travers nous, chaque être puisse recevoir un rayon de ce merveilleux soleil divin.
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