Je me promenais entouré de feuillus dénudés en cette fin d’automne. Chênes, châtaigniers, frênes, noisetiers, sureaux, ils avaient tous perdu leur feuillage. Je ne sais pas pourquoi, mon regard s’est attardé sur eux. Peut-être les leçons de l’Ange qui invite à regarder la nature et en lire les messages profonds.
En me remémorant cela, je constatais que les branches étaient vides de feuilles. Comme si toute l’exubérance s’était repliée à l’intérieur de l’arbre. Sa force, sa vitalité, son déploiement étaient intérieurs. Un peu comme notre double de lumière qui appelle à ces mouvements vers l’intérieur pour mieux rejaillir ensuite. Jaillir vers l’extérieur depuis ce double de lumière comme un arbre fait jaillir sa verdure au printemps. Je m’en ouvris à l’Ange.
- Si la vie de votre double était vraiment vivante en vous, vous trouveriez plus de joie à vous entretenir avec lui qu’avec les autres hommes.
- Mais ce double, cette part de nous-même que nous ne voyons pas, elle va nous survivre, elle survit au corps physique, je le sais. Mais elle est si intérieure, si invisible, que je n’y pense que très occasionnellement.
- Tu ne te préoccupes pas assez de ce deuxième personnage, qui est pourtant attaché à toi aussi étroitement que ton ombre. La construction psychique de ton double, tu dois la façonner avec des doigts de sculpteur. Jamais tu ne prendras assez de soins pour parfaire ton être invisible. Il va beaucoup écrire…
- Pourquoi est-ce si important de prendre soin de ce double invisible ? Est-ce une voie de libération ? Certains enseignements évoquent le fait de faire un pas en arrière à l’intérieur de soi. De regarder depuis un regard plus profond que la surface. Est-ce cela ?
- La libération intérieure est un état d’indépendance totale à l’égard de l’univers créé. C’est-à-dire qu’elle doit créer une scission entre vous et le concret. Si plus rien en toi ne dépend du monde extérieur, toutes les sources jailliront dans ta vie intérieure. Habitue-toi à ne plus jamais considérer une réussite terrestre comme un gain. Tous ces apports sont d’un ordre inférieur et doivent être jugés par toi sans valeur.
Le jour où tu placeras toutes tes facultés d’exaltation dans les valeurs abstraites, la double vie aura fait son entrée en toi.
- Mais est-ce que ce n’est pas se détacher de la beauté de la création ? Est-ce que ça ne me coupe pas de la beauté du monde naturel ?
- Sois seulement ému par ce qui te semble envoyé par Dieu. Le chant du rossignol contient plus de sources de félicité pour celui qui sait l’écouter que tous les présents matériels qu’un homme peut faire à un autre homme.
- Comment savoir écouter ?
- Avec un cœur en état de recueillement céleste.
Sois donc toujours, par le sommet de ton âme, connecté au surnaturel. Aux quatre coins du monde, tu n’entendras alors que des rossignols qui s’égosilleront pour t’enchanter.
Ces paroles me firent frissonner. Je sentais leur sagesse et je sentais tout mon être tendu vers cette réalité. Cette réalisation de ce double intérieur, son jaillissement. Cependant, je me demandais comment concilier cela avec une vie sociale et diverses activités.
- Sache que la double vie est parfois incompatible avec l’existence active.
J’avais compris que mes relations, mes canalisations et écoutes du monde surnaturel prenaient de plus en plus de temps et d’énergie, et qu’un fossé se creusait avec les préoccupations de la majorité de mes contemporains. Comme me le disait l’Ange, il me fallait veiller à ne pas interrompre trop longtemps nos entretiens. Cela creusait des immensités muettes. Les atmosphères propices font partie de la culture du double.
Il m’avait déjà évoqué cette atmosphère propice, et ces relations au monde spirituel, aux êtres de lumière et esprits de la nature :
- L’état second sur terre est un état de supra lucidité. La plupart des êtres ne sont pas lucides, car leur vision s’arrête au créé.
L’état second est cette tension spirituelle qui vous conduit dans un plan où il nous est facile de vous rejoindre. C’est la zone où commencent les miracles. Si vous étiez plus attentifs, vous arriveriez à en voir.
Il disait aussi :
- Pour bien vivre, il faut orchestrer vos moindres gestes selon les harmonies célestes. Vous vous pliez rarement aux disciplines du ciel, parce que rarement vous vous vous astreignez au décapage humain nécessaire pour arriver au grand enseignement de l’au-delà.
Une fleur éclot et se développe sans mouvement.
Une âme croît seulement dans la méditation.
C’est dans la paix des cœurs en prière qu’éclot la symphonie de Dieu…
Oui, méditer et méditer encore. Et faisant quelques pas, face à un tronc dénudé, voir les feuilles et les fleurs en gestation. Sentir un cœur doré. Un cœur qui bat. Je pensais à cela, quand un son se fit entendre. Il me sembla déceler un chant de rossignol.
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